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Description
Auteure: Annie Lavoie
Genre: Roman – Drame sentimental
Format: 390 pages – 13×20 centimètres
Sortie: 13 septembre 2019
ISBN: 978-2-924989-03-6
« Abrutie par la substance, elle restait assise à même le sol du salon, là où elle avait glissé à son arrivée. Son visage était barbouillé, son regard passivement affolé et elle avait le cerveau embrouillé. Elle savait qu’elle devait se lever et partir d’ici. Thomas l’attendait. Il s’était excusé, il devait lui parler, c’était important, qu’il avait écrit.
Elle devait se ressaisir, nettoyer son visage et retrouver Thomas pour avoir la discussion dont ils avaient besoin pour se réconcilier. Elle resta assise sans bouger, Jean attendant patiemment qu’elle retrouve ses esprits. »
L’arrivée d’Elie dans la vie de Thomas entraînera de grands bouleversements,
pour lui et pour les autres. Ce ne sera pas sans dommages.
Suite de Le Prélude
Il existe une version antérieure et bien maladroite de ce manuscrit.
Quatre-vingt-quatorze exemplaires ont été distribués en 2011. Si vous possédez un exemplaire ou avez déjà lu cette ancienne version, il vous faudra désormais la considérer comme un brouillon, à une époque où Le Prélude n’existait pas encore.
C’est fait? Vous êtes prêt.
Extrait du Chapitre 01
« Un coup de klaxon long et strident la fit sursauter. Elisabeth Maréchal s’immobilisa avant de se retourner vers la voiture assourdissante.
– Regarde dont où tu vas! lui hurla le conducteur au klaxon excessif, tout en baissant la fenêtre pour mieux l’engueuler.
Elle avait traversé la rue sans se soucier de sa sécurité, perdue au milieu de ses pensées. La voiture l’avait évitée de peu en freinant à quelques centimètres d’elle.
Elle lui fit un geste d’excuse et poursuivit sa route. La voiture redémarra dans un crissement de pneus énervé tandis qu’elle franchissait les derniers mètres la séparant de la Grande Maison Blanche.
Cette maison l’avait toujours fascinée, bien avant de faire la connaissance des propriétaires. Elle dégageait un tel luxe dans ce quartier modeste qu’elle défigurait le quartier. On ne remarquait qu’elle et son immense terrain recouvert de végétation. Une haute clôture de haie de cèdres camouflait l’intimité de la demeure aux indésirables.
Elle ouvrit la passerelle et la referma derrière elle. Elie ne faisait pas partie des indésirables. Depuis quelques temps, elle se sentait même plutôt désirable.
Malgré tout, elle se demanda si l’heure matinale n’était pas désappropriée. Thomas lui avait toujours garanti qu’il pouvait la recevoir à n’importe quelle heure, mais sept heures du matin était somme toute très tôt. Elle n’avait aucun plan B et se sentit nerveuse à l’idée qu’ils dormaient peut-être encore et que dans ce cas, personne ne viendrait lui ouvrir la porte. Il lui fallait absolument voir Thomas avant son examen.
Soulagée, elle entendit quelqu’un déverrouiller la porte. Manuel, le jeune frère de Thomas, apparut et lui fit un sourire.
– Elie! Tu t’es quand même pas levée aussi tôt juste pour me souhaiter bonne fête?
Elle eut un regard coupable. Elle avait complètement oublié qu’il fêtait son dix-huitième anniversaire aujourd’hui.
– Bonne fête! fit-elle en l’embrassant sur les joues. Je t’avoue que je pensais pas à ça ce matin. C’est pour ça que t’es debout aussi tôt?
– Oui, je veux profiter de ma journée, répondit-il en refermant la porte derrière elle. Tu viens toujours ce soir?
– Absolument! Je raterai pas ça.
– Tu viens voir Thomas?
– Il faut vraiment que je le vois avant de débuter ma journée. Tu crois qu’il est trop tôt? Il dort encore?
– Non, il est dans la cuisine. Je lui ai demandé des œufs bénédictines pour déjeuner. Il cherche encore la recette.
Il l’invita à le suivre. Elle retira ses bottes et marcha en direction de la cuisine, située au fond de cette maison magnifique. Cette demeure n’avait de cesse de l’impressionner chaque fois qu’elle y venait, serait-ce cinq minutes ou cinq heures. Une étincelle s’allumait en elle dès qu’elle passait le pas de la porte, l’envoûtement était immédiat. Elle se sentait à la fois totalement fusionnée et complètement déconnectée de cet endroit, qui respirait la richesse, environnement qui lui était peu familier.
Elie avait grandi dans un quartier tranquille de la ville de Gatineau, dans une petite maison avec ses parents et sa sœur. Rien de spécial ne s’était passé dans sa vie jusqu’ici. Elle étudiait à Montréal depuis près de trois ans et avait choisi la voie du journalisme entre autres pour que les choses changent. Elle avait envie d’aventures.
Au début, elle avait trouvé l’ambiance de cette demeure un peu sinistre. La maison semblait abattue, tourmentée. Une aura de noirceur la remplissait dans toutes les pièces. Au fil de ses conversations avec Thomas, il lui avait confié la mort de ses parents quatre ans plus tôt. Passionnés de voilier, ils avaient passé trois semaines à naviguer dans les eaux des Caraïbes avant qu’une tempête s’empare d’eux et les engloutissent à tout jamais dans les Antilles. Thomas et Manuel s’étaient retrouvés seuls dans cette maison parsemée de souvenirs jusque dans les moindres détails. Leur père avait construit cette maison, leur mère l’avait décorée, ils vivaient donc au cœur de leur chef-d’œuvre. Après quelques semaines de visite, la maison s’était adoucie et semblait désormais en paix. Elie considérait l’avoir finalement apprivoisée.
Thomas était dans la cuisine, adossé contre le comptoir, une tasse de café brûlant dans une main et son téléphone dans l’autre. Son visage s’éclaira en l’apercevant. Elie lui sourit, heureuse de l’étincelle que provoquait sa présence chez lui.
– Bon matin, Elie. T’es très matinale aujourd’hui.
– Je sais, mais j’ai besoin de te voir avant mes cours.
Il ne posa aucune question. Il comprenait bien la situation. Lorsqu’elle avait pris sa dernière dose la veille au soir, elle l’avait fait avec désinvolture, se disant qu’elle pourrait bien attendre au lendemain soir avant d’en consommer à nouveau. Mais si elle passait son examen dans cet état, elle était persuadée de le rater. Depuis son réveil, elle était nerveuse, agitée et distraite. Son altercation avec la voiture un peu plus tôt le prouvait.
On souhaite tous rester fort, mais vient immanquablement le jour où on se réveille en crise de manque, incapable d’aller à son examen sans une dose de cocaïne.
– Comme d’habitude? demanda-t-il en déposant sa tasse sur le comptoir.
Elle acquiesça. Ils se déplacèrent au salon et Thomas ouvrit le coffret pour sortir un sachet de poudre blanche. Il lui tendit la marchandise et empocha l’argent, le regard rivé sur elle.
– Tu commences tes cours à quelle heure, aujourd’hui? Tu veux déjeuner ici?
Il ne cognait pas encore à sa porte, mais faisait un petit pas.
Elle lui fit un sourire. Depuis les dernières vacances, le rythme de ses visites chez Thomas avait augmenté. Elle renouvelait sans cesse l’occasion de se trouver près de lui et venait dans cette maison deux ou trois fois par semaine, achetant des quantités plus petites et plus coûteuses, ce qui lui faisait tout de même consommer plus qu’avant au final. Petit manège dont il semblait s’être rendu compte parce qu’il avait baissé son prix pour s’ajuster à elle. Il avait l’art d’apporter une attention délicate à chacun des détails la concernant. D’ailleurs, lui aussi semblait vouloir se rapprocher d’elle, l’invitant à rester un peu plus longtemps à chacune de ses visites.
– J’aurais bien aimé, mais j’ai mon examen dans cinquante minutes, déclina-t-elle. Je dois y aller maintenant. Je déjeunerai plus tard.
En vérité, elle n’avait pas beaucoup d’appétit ces temps-ci. Elle carburait sur l’adrénaline, définitivement. Tandis qu’elle enfilait ses bottes, il lui demanda si elle comptait être présente à la soirée donnée en l’honneur de Manuel aujourd’hui.
– Oui, mais je vais arriver un peu tard. Je termine le boulot à dix heures trente, je viens directement après.
– Ça tombe bien, parce que j’ai une petite surprise pour toi. Devine qui vient faire un tour.
Elle rabattit son capuchon sur sa tête en le regardant, curieuse.
– Mathieu Leblanc.
Les yeux d’Elie s’illuminèrent.
– C’est vrai? s’enthousiasma-t-elle aussitôt.
Mathieu Leblanc était un célèbre journaliste d’un journal montréalais très réputé, où elle aimerait bien faire son stage. Il avait effectué de nombreux reportages internationaux et couvert toutes les guerres depuis les quinze dernières années. Il s’attaquait à des sujets dont Elie rêvait de s’attaquer elle-même. Elle lui vouait une admiration sans borne depuis qu’elle avait fait un travail sur sa carrière, au cours de sa première session d’études.
Quand elle en avait parlé à Thomas, il lui avait révélé que Mathieu Leblanc faisait partie de son entourage. Son père avait été l’associé principal du sien et même s’ils avaient treize ans de différence, Mathieu avait toujours joué avec lui lorsqu’il était enfant. Ils se voyaient de temps en temps, surtout quand Mathieu avait besoin d’un contact ou d’informations. Il s’agissait d’ailleurs de la raison de sa présence ce soir.
– J’essaierai de le retenir le temps que t’arrives.
– Je serai là seulement vers onze heures, déplora-t-elle.
– D’après moi, il sera toujours là.
Elle le remercia pour l’information, excitée par cette opportunité, puis boutonna son manteau, impatiente de voir sa journée se terminer. Puisqu’il lui fallait d’abord la commencer, elle dit aurevoir à Thomas et ouvrit la porte. L’autobus tourna le coin de la rue et elle s’élança à la course pour l’attraper. Il referma la porte.
Le premier pas n’était pas un succès. Il tenterait le deuxième ce soir.
*
– Merci et bonne fin de soirée à vous! lança Elie à ses clients.
Ces derniers lui rendirent la politesse et sortirent. Elle put verrouiller plus tôt que prévu. Il était dix heures cinq. Si elle se dépêchait, elle arriverait plus tôt à la fête. Pendant qu’elle vidait la dernière table, Benoît vint lui donner un coup de main. Il était employé depuis seulement deux semaines et semblait toujours prêt à l’aider.
– Merci, dit-elle quand il lui prit le caquelon des mains.
Ils déposèrent la vaisselle sale dans la plonge déjà engorgée.
– Encore! s’exclama le plongeur en les voyant arriver.
– Désolée, ce sont vraiment les derniers, fit Elie avec compassion.
– Arrête de te plaindre, c’est ton travail, non? répliqua Benoît avec condescendance.
L’employé lui jeta un regard noir. Benoît l’ignora.
– Tu fais quelque chose ce soir? demanda-t-il à Elie.
Elie salua le plongeur et se dirigea vers les vestiaires.
– C’est l’anniversaire d’un ami à moi. Il fait une fête ce soir.
– Ah? fit-il d’un air intéressé.
Elle s’appliqua à l’ignorer et ouvrit son casier.
– Je pense pas rester longtemps, je veux me coucher tôt. D’ailleurs, ça m’arrange que t’aies accepté de me remplacer demain. J’ai besoin d’étudier pour mon examen lundi.
Tout cela n’était que mensonges. Elle avait déjà fait cet examen ce matin et comptait rester tard, très tard chez Thomas.
Le problème était que si Benoît, garçon fraîchement arrivé de campagne, sérieux, candide, venant d’une famille catholique pratiquante, qui ne buvait ni bière ni alcool et n’avait même sûrement jamais senti l’odeur de la marijuana, eh bien s’il l’accompagnait dans cette soirée de débauche, elle allait le terroriser. Les fêtes chez Thomas étaient toujours fortement accompagnées de substances illicites diverses, gratuites et consommées à la vue de tous.
De son côté du vestiaire, Benoît s’habillait distraitement, le regard fuyant sans cesse du côté d’Elie. Il referma son casier et s’approcha d’elle pendant qu’elle laçait ses bottes.
– Tu sais, je suis à Montréal depuis un mois seulement, débuta-t-il avec timidité. Je connais personne ici. Est-ce que tu penses que je pourrais venir avec toi?
Prise au dépourvue par sa demande, elle s’accorda le temps d’enfiler sa deuxième botte avant de répondre.
– Si tu veux, finit-elle par dire. Mais tu sais, c’est peut-être pas le genre de soirée à laquelle tu t’attends.
– Bah, qu’est-ce que tu t’imagines? Que je suis un petit garçon fragile? lança-t-il en riant. Rien me fait peur, moi.
Si c’était comme ça, eh bien tant pis. Il y avait une première fois à tout. Vivons l’aventure.
– Laisse-moi passer à la salle de bain et je suis prêt, dit-il.
Elle l’imita et s’engouffra dans celle des femmes. Elle s’enferma dans la dernière cabine et déposa son matériel sur la petite tablette pour se préparer une ligne de cocaïne. Elle se sentait mal à l’aise chaque fois qu’elle faisait cela sur son lieu de travail. Ce genre d’audace était très risqué. Elle le faisait uniquement quand elle jugeait ne pas avoir le choix. Elle se rendait directement chez Thomas pour rencontrer Mathieu Leblanc. Après sa longue journée de cours, suivie de sept heures de travail, elle se sentait épuisée, souhaitait faire une bonne première impression au journaliste et puis bon, une toute petite ligne, c’était rien.
Elle sortit les accessoires de sa trousse, déposa un peu de poudre sur le miroir, l’aligna avec sa carte d’assurance-maladie – une ironie non-négligeable qu’elle prenait plaisir à entretenir comme un petit défi – approcha son nez et absorba rapidement la ligne.
Et voilà le travail. Maintenant, elle était prête.
Tout en se lavant les mains, elle s’observa dans le miroir. Ses joues semblaient plus creuses depuis quelques temps. Elle perdait la rondeur juvénile de son visage lorsqu’elle était arrivée à Montréal. Sa consommation des deux dernières années commençait à paraître sur son visage. Elle travaillait fort pour faire croire à sa famille que c’était uniquement parce qu’elle étudiait et bossait dur.
Il y avait maintenant deux ans qu’elle consommait de la cocaïne au quotidien. Elle l’avait découverte quelques mois après son arrivée ici, alors qu’elle partageait son appartement avec deux autres étudiants de la technique de journalisme et que l’un d’eux se révéla être un grand consommateur de cocaïne. Il faisait la fête toutes les fins de semaines, en l’occurrence dans leur appartement, qu’il remplissait régulièrement de fêtards. Elle s’était laissée prendre par ce tourbillon et la cocaïne était devenue sa compagne de tous les jours. À sa deuxième session, ses notes avaient été affectées par les fêtes incessantes de son colocataire et elle avait déménagé l’été suivant, dans un petit trois et demi près du métro Sherbrooke, très bien situé et en toute tranquillité. La cocaïne l’avait suivie dans ses bagages.
C’était au cours de la session suivante qu’elle avait fait la connaissance de Charlotte, la copine de Manuel depuis quatre ans. Ils s’étaient rencontrés lorsqu’il n’avait que quatorze et elle seize, mais cela n’avait nui en rien à leur relation et leur couple semblait solide depuis tout ce temps, bien qu’ils se prenaient souvent la tête pour des futilités, leurs disputes étant quotidiennes.
Charlotte étudiait en sciences humaines et avait partagé avec Elie un cours de littérature. Assises côte à côte au premier cours, elles avaient rapidement fraternisé et étaient devenues bonnes amies. Charlotte avait particulièrement apprécié la maîtrise du français d’Elie, ce qui lui avait permis de passer ce cours de justesse grâce à son aide.
Un jour du mois de novembre, Elie lui avait confié être à sec de cocaïne, son revendeur étant introuvable. Il ne répondait ni à son téléphone, ni aux messages textes, ni à sa porte. Elle se sentait irritée et un peu en panique.
– Je vais t’arranger ça, avait dit Charlotte. À la fin du cours, si tu veux, on va aller voir le frère de Manuel. Il vend de tout.
Deux heures plus tard, Charlotte et elle avaient sonné à la Grande Maison Blanche et Thomas leur avait ouvert la porte. Elie l’avait d’abord trouvé très beau. Il représentait physiquement tout ce qui l’attirait chez un homme et les petites taches de rousseur sous ses yeux bleus avaient rehaussé le standard. Puis, ils étaient devenus amis et Thomas ne lui sortait plus de la tête depuis ce temps. Elle était devenue l’une de ses plus fidèles clientes.
Elle alla rejoindre Benoît, l’attendant sagement sur un banc.
– On y va? fit-il en se levant.
Ils boutonnèrent leur manteau et se dirigèrent vers la sortie. Dans le silence le plus complet, ils marchèrent une vingtaine de minutes avant de tourner le coin de la rue de la maison. Benoît ralentit le pas en constatant qu’ils se dirigeaient droit vers l’immense maison, devant laquelle étaient stationnées une vingtaine de voitures, dont certaines plutôt luxueuses. Il baissa les yeux sur son manteau trop grand, délavé et usé de partout, puis regarda à nouveau la maison.
– C’est ici? Tu penses que je suis assez bien habillé pour entrer là-dedans?
Elie pinça les lèvres. Il semblait s’attendre à une soirée huppée. Il serait rapidement déçu.
– Aucun problème. Tant que t’es habillé, ça convient.
Il eut un sourire crispé.
– Certaine?
Elle ne répondit pas et poussa la porte d’entrée. La sonnette n’existait jamais les soirs de fêtes. De toute façon, il y avait toujours trop de bruits, personne ne venait répondre. (…) »