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Description
Auteure: Annie Lavoie
Genre: Roman – Drame sentimental
Format: 494 pages – 13×20 centimètres
Sortie: 15 mai 2019
ISBN: 978-2-924989-05-0
« Combattre une dépendance, c’est combattre contre soi-même.
Dès le départ, ton pire ennemi, c’est ta capacité de contradiction. Au début, tu te trouves dans le camp de la détermination. Tu sais que tu dois résister. Pour toutes les bonnes raisons que tu énumères dans ta tête quand tu prends la décision d’arrêter: pour ta vie, ou pour celle des autres, pour ta santé, pour être en paix avec toi-même ou avec les autres. Peu importe la raison. Ton cerveau est toujours plus fort que toi. Il va t’inciter à consommer et ça s’applique à toutes les dépendances que tu peux imaginer. Le vin, la cocaïne, le chocolat, le café, la cigarette, même le jeu. Choisis n’importe laquelle, c’est toujours le même mécanisme.
Quand tu ressens le manque, tu es conscient de tous les dangers que la consommation peut engendrer. Ta vie et ton estime personnelle sont en jeu. Mais les malaises physiques du sevrage sont tellement puissants que, et c’est systématique, quelque chose se passe à l’intérieur, quelque chose qui égraine ta conviction, lettre par lettre. C’est le début de la chute. »
L’amour et la dépendance ne font jamais bon mélange. Surtout s’ils ne sont pas reliés.
Ce manuscrit possède une suite: Elle
Extrait du Chapitre 01
« – Vous allez tout détruire!
– Allons…
– Vous voulez tuer ma vie!
– Thomas! s’indigna sa mère. Tu exagères, là. Je comprends que tu sois fâché, mais…
– Non, tu comprends pas! Si tu comprenais vraiment, tu laisserais tomber ce projet!
– Thomas.
L’interpelé se retourna vers son père en entendant sa voix douce, mais autoritaire. Celui-ci dévisagea tranquillement son fils.
– Ta mère et moi organisons ce voyage depuis un an. C’est toi qui ne comprends pas la chance qu’on t’offre. Ton frère et toi êtes privilégiés.
Thomas retint un soupir exaspéré. Cet argument, ses parents le lui sortaient chaque fois qu’ils en avaient l’occasion. Pourtant, il aurait volontiers craché sur cette richesse pour échapper à ce mode de vie qui s’apprêtait à l’arracher de ses liens terrestres, comme tous les enfants n’ayant aucune idée de ce qu’était la réellement la pauvreté.
Il avait somme toute été éduqué dans les valeurs de la gratitude. Il était malgré tout reconnaissant de la chance qu’il avait d’être né dans une famille bien nantie. Cela lui avait permis de ne manquer de rien et d’obtenir ce qu’il y avait de meilleur.
Il n’avait pas encore treize ans, mais possédait déjà une conscience bien allumée. Grand observateur, il aimait voir la foule comme un immense bain d’observation humaine et s’y sentait bien quand il s’y fondait. Il s’adaptait n’importe où et à n’importe qui. Il avait toujours été un enfant accessible et ouvert d’esprit, désireux d’en savoir plus sur le monde qui l’entourait.
Voilà exactement les arguments qu’avait énoncés sa mère pour le convaincre qu’il serait agréable de partir loin de ses amis pendant trois ans pour parcourir le sud de la planète. Il s’y était violemment objecté, bien qu’il sache que ses parents ne changeraient pas d’avis et qu’il devrait s’y résigner.
Son père, sa mère, son petit frère de cinq ans et lui partiraient donc pendant trois ans à bord d’un voilier, quelques jours avant la rentrée scolaire au secondaire.
Il secoua furieusement la tête, puis s’éclipsa hors du salon familial d’un pas lourd. Il grimpa l’escalier deux-par-deux, longea l’allée de droite, pénétra dans sa chambre et finalement, claqua la porte du plus fort qu’il put.
Aussitôt enfermé dans son antre, il se sentit mieux. Sa chambre était spacieuse et bien équipée, avec une salle de bain privée. Comme toutes les chambres de la maison. Son père l’avait faite construire avec un maximum de confort.
Louis LeComte était architecte. Après de brillantes études en architecture à l’Université McGill et un stage de huit mois à l’agence d’architectes Lemay inc., il avait démarré une entreprise avec l’un de ses meilleurs amis, entreprise devenue rapidement prospère par leur immense talent. Nombreuses de leurs plus grandes œuvres se retrouvaient sur les cinq continents, le père de Thomas étant sans cesse sollicité comme conseiller pour des projets domiciliaires. D’ailleurs, certaines escales au cours de leur voyage serviraient à entretenir quelques-unes de ses relations d’affaires.
Aujourd’hui, l’entreprise contenait cent dix-huit employés. Outre le bureau d’architecte à Montréal, il en possédait un deuxième avec trois autres associés à Toronto, qui employait plus de deux cents personnes déployées sur le territoire canadien anglophone. Son succès était à la hauteur de son talent.
Louis avait vingt-neuf ans quand il avait acheté avec son associé un immense loft sur deux étages situé sur la Rue de la Commune, dans le Vieux-Montréal. D’abord envisagé comme un bureau d’annexe, ils avaient finalement transformé l’endroit pour en faire un restaurant de cuisine française haut de gamme. Pour la décoration intérieure, il avait fait appel à une agence de design et Sophie Marchand s’était présentée le lendemain matin avec une immense valise bourrée de ses idées novatrices.
Il était d’abord tombé amoureux fou de son talent. Leur collaboration avait donné naissance à l’un des restaurants les plus sensationnels et appréciés du quartier. Il l’avait engagée comme collaboratrice aux projets spéciaux du bureau de Montréal, offre qu’elle avait acceptée avec joie.
Déjà en couple avec un autre homme depuis quelques années, Louis avait dû travailler fort pour la conquérir. Au bout de quelques mois, incapable de nier plus longtemps les sentiments éprouvés, Sophie avait quitté son conjoint. Depuis, Louis et Sophie ne s’étaient plus jamais quittés.
Elle était tombée enceinte au bout d’un an, alors que Louis avait déjà commencé les plans pour bâtir leur maison idéale.
Il avait acquis tout un petit pâté de maisons dans le quartier Laurier – Sainte-Marie. Situé à proximité du centre et à trente secondes du pont Jacques-Cartier, l’emplacement était idéal pour s’y installer. Ils auraient pu acquérir une maison dans un quartier plus chic, mais Louis avait tenu à élever une famille dans le quartier dans lequel il avait grandi et Sophie souhaitait vivre près du centre-ville. Ce petit quadrilatère de terrain regorgeait de blocs d’appartements miteux et désuets dont la plupart étaient vides et abandonnés. Seule une dizaine de famille avaient dû être déplacées, ce que Louis avait fait de façon consciencieuse, en leur versant des indemnités et ce, après leur avoir trouvé des logements convenables dans le même quartier.
Par la suite, il avait tout fait démolir, avait fait décontaminer le terrain et y avait élevé sa maison, rapidement reconnue dans le quartier par la suite comme « la Grande Maison Blanche ».
Construite sur deux étages, la maison possédait au rez-de-chaussée une grande entrée centrale, un salon double, une salle à manger et une immense cuisine. Toutes ces pièces étaient reliées entre elles. Derrière l’escalier se trouvait un couloir permettant d’accéder à la partie Ouest de la maison, où l’on pouvait retrouver plusieurs salles selon des thématiques de divertissement: jeux, cinéma, danse, sports, bibliothèque, etc. À l’étage, chacune des chambres possédait une salle de bain privée et elles étaient construites de façon à ce qu’elles se rejoignent toutes au centre de la maison, permettant ainsi d’installer un foyer central et différé dans chacune des chambres, hormis la chambre du bébé et une deuxième, au cas où la famille s’élargirait un jour.
L’achat du pâté de maison complet leur permettait d’avoir un immense jardin, qu’ils avaient encadré de hautes haies de cèdres afin d’apporter une intimité derrière le terrain clôturé de fer forgé. Une piscine creusée et un spa isolé accentuaient l’élégance du terrain. La maison avait coûté une fortune, mais représentait sa vision de la maison idéale. Sa femme avait articulé son talent de décoratrice en fonction de cette vision et il en avait résulté un foyer chaleureux, grand, mais intime et parfait pour leur famille. Thomas avait deux mois lorsqu’ils y avaient emménagé.
Pendant la petite enfance de Thomas, Sophie avait continué son travail. Son mari l’avait aidé à démarrer une agence de décoration d’intérieure et grâce à un réseau de contacts bien garni, l’entreprise fonctionnait plutôt bien. Une jeune fille au Pair veillait sur le bébé pendant ce temps. À partir de trois ans, il avait fréquenté un Centre de la Petite Enfance afin d’être en contact avec d’autres enfants.
Au bout de quelques années à ne voir grandir Thomas que les fins de semaine et pendant les vacances, l’aspect maternel de la vie de Sophie avait pris le dessus. Elle avait donné sa démission pour se consacrer à sa famille. Thomas débuterait bientôt l’école et elle voulait vivre ces moments avec lui et qui sait, peut-être lui offrir un petit frère ou une petite sœur et ainsi rattraper le temps perdu. Manuel était né peu de temps après.
Le succès professionnel de Louis accaparait la majorité de son temps. Lorsqu’il ne se trouvait pas à son bureau, il se trouvait sans cesse en déplacement. Il n’avait jamais été très présent. Cependant, lors de ces moments précieux où ils se retrouvaient en famille, il se comportait comme un père aimant, attentionné et décontracté. Il adorait ses fils et regrettait souvent de ne pas être aussi présent qu’il l’aurait souhaité.
À la suite de cette confidence, Sophie lui avait proposé une idée folle: prendre une sabbatique de deux ou trois ans.
– Pour faire quoi?
– Le tour du monde.
– Le tour du monde? Rien que ça?
– Rien de moins. Donne tes obligations à Jean-Philippe et emmenons les enfants sur le voilier.
– Il est beaucoup trop petit pour ce genre d’expédition.
– Achetons-en un autre, alors.
– Je ne peux pas partir comme ça…
– Bien sûr que tu peux. Tu n’as aucun projet d’envergure en ce moment. Tes associés s’occuperont de tout ça pendant ton absence, tes employés sont très qualifiés. Ce sera comme un voyage d’affaires. Un très long voyage d’affaires.
Suite à cette discussion qui avait duré près de deux mois, Louis avait finalement adopté l’idée folle de sa femme. Elle avait eu de solides arguments, proposé un itinéraire bien détaillé et préparé plusieurs projets en lien avec l’éducation de leurs enfants. Manuel n’avait pas encore l’âge d’aller au primaire, mais ils devaient retirer Thomas du système scolaire. Il ne fallait en aucun cas que leur éducation en soit affectée, afin qu’ils puissent continuer leurs études respectives à leur retour.
Louis avait acquis un voilier de croisière Beneteau de dix-huit mètres, assez grand pour contenir toute la famille pendant des mois et assez puissant pour franchir n’importe quel océan. Il s’agissait de leur troisième, avec le voilier multicoques à Montréal – toujours paré pour de courts séjours – et le dériveur, dont le port d’attache se trouvait à Bali, en Indonésie. Ce dernier lui servait surtout lors de ses rencontres d’affaires avec Jonah Leclerc, avec qui il avait collaboré pour plusieurs projets et qui était fou de voilier. Tel le golfeur qui ne discute affaires que sur un terrain de golf, Jonah ne signait les contrats que sur l’eau. C’était d’ailleurs lui qui avait enseigné à Louis tout ce qu’il devait savoir sur cette nouvelle passion aquatique.
Les préparatifs pour ce voyage avaient duré plus d’un an. L’organisation n’avait pas été évidente, surtout au niveau du matériel, mais ils étaient prêts. Le départ était prévu dans six semaines. Thomas venait tout juste de débuter les vacances scolaires, il avait l’été pour se faire à l’idée et dire adieu à ses amis.
*
– Arrêtez de bouder les enfants. C’est l’aventure qui commence!
Thomas échangea un regard avec son petit frère. Ni l’un ni l’autre ne partageaient l’enthousiasme de leur mère. Thomas n’acceptait toujours pas la séparation avec ses amis et Manuel avait peur du bateau. Il le trouvait trop gros et cela avait déclenché une violente crise de larmes lorsque Louis l’avait fait traverser la passerelle.
Ce n’était pas la première fois que Manuel naviguerait sur un bateau, ils avaient effectué plusieurs navigations jusqu’ici. Ce n’était pas non plus la première fois qu’il voyait le bateau puisqu’ils l’avaient visité souvent en plus d’y avoir passé quatre nuits un mois auparavant afin de se familiariser avec son environnement. Soit la mémoire de Manuel défaillait, soit il était simplement terrifié par la nouvelle aventure qui s’annonçait, aventure qu’on lui avait souvent qualifié de « très longue ».
Sa mère l’avait calmé et avait séché ses larmes pendant que Louis s’activait pour le grand départ. Thomas songea que cela s’annonçait mal pour la suite. Ils n’avaient même pas encore levé l’ancre.
– On n’a pas dû venir assez souvent pour qu’il s’y habitue, déplora Sophie.
– Tu viens, Manuel? demanda Thomas en se penchant vers lui. On va faire une nouvelle visite guidée du bateau. Tu vas avoir, on va s’amuser.
Il fut réticent au début, mais se laissa gagner par le sourire de son frère. Sa mère remercia son ainé d’un sourire, puis alla aider son mari avec les préparatifs de départ. Manuel emprisonna sa main dans la sienne et commencèrent à longer le pont. Thomas lui pointa divers éléments.
– Tiens, regarde, ici, c’est le pont. Là, on se trouve à l’avant du bateau, c’est la proue. L’arrière, c’est la poupe. Et les marins disent tribord pour la droite et bâbord pour la gauche, c’est amusant. Derrière les vitres, c’est le poste de contrôle. Papa va passer beaucoup de temps là, je pense. Tu sais, c’est un grand bateau, mais c’est une bonne chose. Plus il est grand et plus on est en sécurité. Le pont est assez grand pour qu’on fasse la course. C’est chouette, tu trouves pas?
– Et au sous-sol?
– C’est une cale. Mais avant de l’atteindre, il y a d’autres pièces super belles. Viens, allons les découvrir ensemble. On va aller voir ta nouvelle chambre, elle était pas prête la dernière fois qu’on est venus. C’est là que toutes tes affaires ont été déménagées hier. Viens voir.
Afin d’aider la transition, leurs parents avaient entreposés dans sa chambre une grande partie du contenu de celle à la maison. Hormis les meubles, il s’agissait de la même literie, des mêmes rideaux et du même coffre bourré de tous ses jouets. La pièce était certes plus petite, mais à l’âge de Manuel, cela n’avait pas d’importance. Il sauta joyeusement sur son lit.
Sophie descendit l’escalier et vint les rejoindre. Elle sourit en voyant le visage illuminé de Manuel. Le réapprivoisement était en cours.
– Alors? fit leur mère. Ça va mieux?
– Manuel est prêt à partir! annonça Thomas en levant un poing victorieux.
Son petit frère l’imita, ce qui la fit rire.
– Capitaine, on peut partir! cria-t-elle, exaltée.
– Dans ce cas, tout le monde sur le pont pour le grand départ! ordonna Louis.
Ils remontèrent. Leur père demanda à Thomas d’aider sa mère à retirer le câble et les chaînes retenant le bateau au quai. Louis démarra le moteur.
– Thomas, annonce officiellement le départ, suggéra-t-il pendant qu’il opérait des réglages de dernière minute.
Thomas hocha la tête, se tourna vers le quai, remplit ses poumons et expira :
– Cap sur…
Il se tourna vers son père.
– Cap sur où?
– On devait débuter par les Bermudes, mais un ouragan s’y approche, alors on va longer la Côté Est jusqu’à Miami.
– Cap sur Miami! s’exclama Thomas d’une voix forte.
– Ah ben! Bon voyage! leur cria un inconnu qui marchait sur le quai, seul public présent pour leur départ.
Ils ne quittaient aucune famille. Les parents de Louis, déjà quadragénaires à sa naissance, étaient aujourd’hui tous deux décédés. Sophie n’avait jamais connu son père et sa mère était décédée l’an dernier de la maladie de l’Alzheimer. Ni l’un ni l’autre n’avaient de frères et sœurs, ni de famille éloignée.
– Hey, merci! lança Thomas en souriant.
L’homme leur envoya la main et poursuivit sa route.
Le moteur vrombissant, ils quittèrent le quai. Sophie serra ses deux enfants contre elle.
– On va vivre des choses extraordinaires, mes chéris. À partir de maintenant, ouvrez grands les yeux. »
(…)